J’ai rêvé
Je dormais. Je rêve. Dans le songe que je fais, je me vois dormir aussi. Puis je me fais réveiller dans le rêve par un trio d’hommes endossés de toge et sont sans visage. Mais ces gens semblent être dépourvus d’oreilles, celles-ci se collant à leur temporales comme si c’était des balafres. Ces individus en toge de couleur de sang dont le dessous du linge est une trainée de fumées, portent à l’envers leur robes étranges. Et leur cravate blanche est nouée au dos, et qui se relève être la lame tranchante d’une épée. Malgré leur accoutrement qui me fait comprendre qu’ils ne sont pas ce qu’ils me forcent à croire, ils se considèrent quand même comme des ambulanciers.
– Mais, m’exclamé-je, en me voyant pousser dans mon lit qu’est maintenant une civière montée sur chenille.
Tout autour de l’endroit de la scène, les ombres noires et blanches naissent, s’entremêlent, se dispersent, disparaissent et renaissant à un rythme circulaire.
– Où est-ce que vous m’emmener comme ça ? Qu’ai-je fait ?
Ces drôles d’urgentistes ne me répondent pas, ils n’ont pas de bouche ni d’yeux ni de nez. L’un d’eux place l’indexe fumant de sa main gauche à l’endroit où devrait y avoir la fente buccale. J’ai compris qu’il me recommande de me taire.
Les zigzags des voies embrumées qu’ils empruntent me donnent le tournis. Le lit sur chenilles est toujours charrié par ces faux médecins en toge, laquelle je vois maintenant, imprimée au niveau de la poitrine, le pictogramme, attention, danger : ne pas conduire. Arrivés sur la tête d’une montagne nuancée de pénombre, ces usurpateurs de fonction freinent en retenant le véhicule comme l’on retient un chien en course. Le lit sur chenilles a du mal à s’arrêter, la distance de freinage est longue. Le vent et la brume cotonneuse nuisent à l’aérodynamisme de mon lit transformé en engin. Néanmoins, le lit monté sur chenilles arrive devant une cabane en paille dont le toit est un nuage rouge bordeau. Et le lit-engin se stationne à l’intérieur de cette hutte au toit vaporeux.
– Maintenant qu’allez-vous faire ? leur demandé-je.
Deux de ces faux chirurgiens en toge écarlate qui, la silhouette me convainquant que ce sont des êtres féminins, me tiennent attacher au lit. Et l’autre qui me semble être un masculin, avec une ficelle de la toile d’araignée, me coud les yeux.
– Bande de fous, laissez-moi partir ! crié-je.
Je constate que ma voix est celle d’un enfant de cinq ans.
– Lâchez-moi, les nuls !
Je remarque que ma voix est de plus en plus faible semblable à celle d’un vieillard.
– Vous m’entendez là ?
Là, je constate que la fréquence de ma voix diminue, se finit. Et elle résonne, identique, à celle d’un désincarné. Je bondis pour ne pas me laisser mourir. Mon agissement a fait tomber ces monstres l’un après l’autre qui, enfin parlent. En tombant, ils sanglotent d’un timbre sourd de spectre. Toge, drap sombre, linceul, aveuglément ! voilà ce qu’ils content. En croulant, comme un plastique chauffé, ils se ramollissent. Quelques éclaboussures de leur corps en ébullition tombent sur moi. Je me débarrasse le visage imbibé des lambeaux de leurs corps avec la main, je suis bien requinqué.
Et je me réveille dans la vie réelle, les yeux fermés par la chassie.
